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Portrait: je suis métisse, mais pas si différente

Amalia est une jeune fille d'origine africaine. Elle est née au Togo, en Afrique de l'Ouest.

Adoptée en France à l'âge de 6 mois, elle vit actuellement près de Paris.





Les premiers souvenirs que j'ai sont ceux de mes amies à l'école. J'étais une petite fille timide mais souriante, qui voulait toujours plaire et faire plaisir. Je me souviens de mes amies qui jouent dans la cour de l'école, nous inventons des jeux toutes ensemble. Et souvent, je me retrouve en retrait par rapport aux autres et je n'ose pas toujours donner mon avis.

Dès le plus jeune âge, Amalia se souvient de son caractère timide.

Elle grandit dans une famille heureuse, en ville. Elle fréquente l'école du quartier, ses parents sont des personnes influentes qui ont étudié la médecine. Les voisins venaient souvent demander conseil à l'un ou à l'autre.

Ils travaillent dur afin d'offrir à la famille une vie aussi aisée que possible.


Amalia avait la chance de partir en vacance à l'étranger plusieurs fois par an, participer à des activités extra scolaires plusieurs fois par semaine. Elle recevait cadeaux et attentions à la moindre occasion et ne manquait jamais ni d'affection ni d'amour.


Mes parents étaient des gens aimants qui avaient rêvé d'un enfant. Malheureusement, la vie a fait qu'il leur était impossible d'en avoir biologiquement. Comme ils aimaient me le répéter, j'étais leur petit cadeau du ciel.

D'apparence, Amalia avait la vie rêvée.


D'apparence...


En réalité, elle se sentait différente. Dès son plus jeune âge, elle ressentait un sentiment d'infériorité, un complexe, une certaine honte, sans avoir la maturité ni le recul pour en reconnaitre les causes.

Elle observait beaucoup les autres autour d'elle, copines, cousines, voisines...


Quand j'étais petite, je n'étais pas capable de mettre des mots sur ce que je ressentais. Très souvent, je me sentais moins belle que les autres, moins intelligente aussi ou moins capable. Je nourrissais un complexe d'infériorité sans trop savoir pourquoi.

Elle n'en parlait pas, certainement à cause de sa timidté et de son jeune âge et ses parents ne se rendirent compte de rien.


Par la suite, en grandissant, et avec la maturité, j'ai compris que je me sentais différente à cause de ma couleur de peau. J'ai grandi dans un quartier où il y avait peu de brassage culturel. Nous connaissions une famille d'italiens, une famille de vietnamiens et deux familles musulmannes.

Petit à petit, en fréquentant l'école élémentaire, elle commença à entendre certaines remarques, certains mots: noir, black, ou encore nègre.

Des mots qui résonnent dans sa tête d'enfant, des mots dont elle ne saisissait pas tout le sens mais dont elle comprenait souvent l'arrogance.


Je ne savais pas ce qu'était un nègre à l'époque, j'étais petite. Mes parents, français, n'ayant pas fait face au racisme dans leur enfance, n'ont pas pu m'en prévenir ni m'en protéger. Je ne comprenais pas le sens du terme "nègre" mais j'en mesurais la méchanceté par l'intonation et le regard de ceux qui le prononcaient.

Amalia grandit avec ce vocabulaire sans oser demander à ses parents sa signification exacte.

Toute petite, elle avait compris qu'il s'agissait de termes péjoratifs et développa une culpabilité grandissante à cet égard.

Elle se sentait coupable d'être différente, d'avoir la peau foncée. Elle pensait que si les autres étaient nombreux à se moquer, c'est qu'ils avaient raison de le faire.

Elle était en infériorité numérique et donc se devait de se taire, de faire profil bas.


La petite fille commençait à craindre les autres et leurs moqueries. Elle passait du temps seule dans sa chambre à imaginer son visage avec la peau blanche. A se demander qui seraient ses amies si elle avait pu leur ressembler.


En grandissant, elle imaginait aussi comment aurait pu être l'enfant biologique de ses parents.


La honte qui évoluait en elle ne faisait qu'empirer certaines angoisses. Une honte due aux moqueries, au regard des autres, à la sensation d'être moins bien.

Amalia se sentait toujours plus anxieuse à l'idée d'être confrontée aux autres, elle n'osait plus prendre la parole en classe, elle développait une timidité maladive.


Dans l'enseignement secondaire, les remarques, les blagues, allaient toujours bon train. Il était fréquent qu'Amalia entende des élèves rigoler dans son dos, les sente la regarder en riant ou en blaguant. Elle n'entendait pas toujours les propos exactes mais ces comportements la mettaient mal à l'aise.


J'ai grandi depuis toute petite en me disant que j'étais moins bien parce que j'avais la peau métisse. Je voyais clairement qu'on ne se moquait pas de mes cousines françaises ni de mes autres copines. C'était toujours moi le sujet des blagues douteuses. On me regardait de travers. Et certains élèves me traitaient de négresse devant les autres. Ils m'appelaient l'ombre, disaient que j'étais aussi noire que leur ombre.
Quand on regardait des films anciens, les noirs étaient toujours les escalves, les serviteurs. Je m'identifiais à eux et je voyais que mes parents ne comprenaient pas pourquoi. Je n'étais pas comme eux. Ils n'ont pas compris comment me protéger face à cela.

Amalia était une enfant timide et mal dans sa peau. Elle devenait une adolescente rebelle, toujours mal dans sa peau, en proie à ses angoisses.


J'étais de plus en plus terrifiée lorsque je devais parler en public, ou simplement marcher dans la cour de l'école seule, craingnant que les autres me regardent et donc me jugent. Je voulais me fondre dans la masse et puis, en même temps, je devenais insolente, j'en avais marre de cette condition que je m'imposais à moi-même. Me sentir de côté, différente, faire profil bas pour que cessent les moqueries. Devoir me faire toute petite. Avoir peur d'être jugée sur ma couleur de peau. M'identifier aux esclaves.

Amalia ne comprenait pas toujours pourquoi elle se sent mal ni en quoi sa couleur de peau peut déranger. Elle ressentait juste le malaise des gens qui la regardent et la toisent.


De plus, elle vivait également avec le poids de l'abandon qu'elle a vécu quand elle était bébé.


L'adoption est un thème populaire mais cependant difficile. Il n'est pas toujours simple de se rendre compte à quel point les enfants adoptés et les parents adoptifs doivent surmonter des obstacles. On dit souvent que l'adoption est une histoire d'amour.

Oui, mais pas que.

C'est aussi beaucoup de souffrance à laquelle les familles ne sont pas toujours préparées.


Je me suis souvent posé la question de savoir comment aurait été ma vie si j'étais restée au Togo. Pauvre oui, mais peut être aussi remplie d'amour ? Je n'ai que très peu d'informations sur ma famille biologique, je sais qu'ils sont pauvres, que mon papa n'avait plus de travail. Il m'arrive régulièrement de me demander si je lui ressemble, si j'ai d'autres frères et soeurs. Ce sont des questions que je porterai toute ma vie.

Après une enfance tourmentée, Amalia cumule les bêtises. Ado, elle sort en cachette, elle fume des joints, elle cumule les relations amoureuses différentes, elle ment à ses parents.

Elle sèche les cours, elle arrête de s'alimenter pendant plusieurs semaines.


J'étais juste mal dans ma peau et pas du tout sereine. Trop de questions et de maux en moi. Adolescente, j'en ai fait voir à mes parents. Insolente et menteuse, je cachais mes cigarettes dans mon sac de cours. Je sortais en cachette, j'allais en boite de nuit malgré leur interdiction. Je buvais de l'alcool et je rentrais avec n'importe qui. J'ai mis ma vie en danger, j'en ai conscience.

A force de bruler la chandelle par les deux bouts, Amalia s'entourent de personnes peu fréquentables, qui la manipulent et profitent de ses faiblesses.

Elle vend de la drogue pour le compte de certains "amis". Elle en accompagnent d'autres en sortie qui prennent le volant dans un état d'ébriété certain.

Elle teste les limites de ses parents, de ses amis, mais surtout, elle teste ses propres limites.


Jusqu'où mes parents vont-ils m'aimer ? Que pourront-ils supporter de plus par amour pour moi ? J'étais renfermée étant enfant, je devenais exubérante, je parlais fort, il fallait qu'on me remarque. Je voulais qu'on me voit. Et j'aurais tout fait pour être le centre de l'attention et surtout, constater jusqu'où mes parents pouvaient aller pour me garder.



C'est une rencontre fortuite qui ramènera Amalia à la raison.

Elle était âgée de 22 ans quand elle fit la rencontre d'Anthony. Il était gentil, sérieux, courageux et bien éduqué. Il lui a fait la cour pendant plusieurs mois. Sans jamais rien demander en retour. Ni sexe, ni drogue, ni argent.

Il s'est montré loyal et patient dès le premier contact.


J'ai rencontré Anthony par hasard. J'avais rendez-vous en boite de nuit avec des "amis" qui m'ont posé un lapin. C'était monnaie courante. Anthony m'a offert un verre et nous avons discuté toute la nuit.

Si aujourd'hui Amalia a vaincu certains démons, surmonté certaines peurs, c'est entre autres grâce à lui. Il a été un moteur à ses côtés, une raison de se battre, un véritable ami sur qui elle a pu compter et qui fût capable de lui faire voir ses propres beaux côtés.


A seulement 22 ans, Amalia vivait dans un profond mal être. Elle reconnait désormais que sans cette rencontre, elle aurait certainement continuer à s'enfoncer, à creuser un trou dans lequel il suffisait de se glisser.

Anthony a été un déclencheur, une personne fiable qui lui a rendu le goût de vivre.


J'avais du beau en moi mais je n'étais plus capable de le voir. Et Anthony grâce à sa patience, sa grande générosité, son ouverture d'esprit, m'a aidée à m'accepter. Il ne m'a jamais jugée et j'ai toujours pu lui parler librement de qui je suis.

Il y aura encore des doutes, des peurs et des tornades dans la vie.


Après 4 ans de relation, Amalia et Anthony se sont séparés. Ils restent bons amis. Comme Amalia aime le rappeler : il fut un pilier dans sa vie de jeune femme.


Grâce à cette belle rencontre, à ses parents et à certaines amies bienveillantes, Amalia a retrouvé la joie de vivre.


Merci Amalia pour ton temps et ton sourire ❤️


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